J.O. 186 du 12 août 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis n° 2006-0046 du 19 janvier 2006 sur le projet de décret portant application de l'article L. 42-3 du code des postes et des communications électroniques et relatif aux cessions d'autorisations d'utilisation de fréquences


NOR : ARTL0600012V



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 32-1, L. 36-5 et L. 42 à L. 42-3 ;

Vu la demande d'avis du ministre délégué à l'industrie en date du 15 décembre 2005 ;

Après en avoir délibéré le 19 janvier 2006,



Sur le cadre général :

Les dispositions de la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, et notamment son article 9, permettent aux Etats membres de prévoir la possibilité pour les acteurs économiques de transférer leurs droits d'utilisation de radiofréquences vers d'autres acteurs économiques.

L'Autorité note que l'article L. 42-3 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), dans sa rédaction issue de la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, transpose plus particulièrement cet article 9 de la directive 2002/21 /CE « cadre ». Il est ainsi prévu que les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peuvent céder leurs autorisations à des tiers.

Ce projet de décret, soumis pour avis à l'Autorité, a pour objectif de fixer les modalités d'application de l'article L. 42-3 du code des postes et des communications électroniques.

Afin de favoriser l'utilisation et la gestion efficaces des fréquences radioélectriques ainsi que la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, l'Autorité attache une importance particulière à ce projet de décret, qui fixe notamment les procédures administratives pour les demandes et la mise en oeuvre des cessions d'autorisations.

L'Autorité tient à souligner l'importance d'une adoption rapide du projet de décret dans l'intérêt du marché.

Sur le projet d'article R. 20-44-9-1 :

Aux termes de l'article L. 41-1 du code des postes et des communications électroniques, l'utilisation, par les titulaires d'autorisation, de fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République constitue un mode d'occupation privatif du domaine public de l'Etat.

L'Autorité rappelle que c'est en vertu de l'article L. 36-7 (6°) du code des postes et des communications électroniques qu'elle assigne aux opérateurs et aux utilisateurs les fréquences nécessaires à l'exercice de leur activité et veille à leur bonne utilisation.

L'Autorité note que le projet d'article R. 20-44-9-1 précise les types de cessions possibles. Il est ainsi prévu que les autorisations d'utilisation de fréquences peuvent faire l'objet d'une cession intégrale ou d'une cession partielle portant sur les composantes suivantes : géographiques, spectrales et temporelles.

L'Autorité constate que ce projet d'article renvoie à un arrêté le soin de déterminer les fréquences ou bandes de fréquences susceptibles de faire l'objet de cessions partielles. Or, l'article L. 42-3 du code des postes et des communications électroniques prévoit déjà l'adoption d'un arrêté pour la liste des fréquences dont les autorisations peuvent faire l'objet d'une cession. Afin de garantir la cohérence des dispositions réglementaires, l'Autorité suggère qu'il s'agisse du même arrêté.

Sur le projet d'article R. 20-44-9-2 :

L'Autorité note que ce projet d'article définit les procédures de notification des projets de cession à l'Autorité et indique également que sont soumis à l'approbation de l'Autorité les projets de cession portant sur une fréquence qui a été assignée en application de l'article L. 42-2 (appels à candidatures) ou en vue d'une mission de service public.

En premier lieu, dans un souci de clarification, l'Autorité suggère que la notification soit signée par un représentant du cédant et un représentant du bénéficiaire de la cession. Une modification de la rédaction en ce sens est proposée.

En second lieu, l'Autorité s'interroge sur le champ d'application de cette notion de « missions de service public » eu égard à la différence de traitement instituée par ce projet d'article .

Sur le projet d'article R. 20-44-9-3 :

L'Autorité prend acte avec satisfaction de ce projet d'article qui régit la répartition des droits et obligations entre le titulaire et le bénéficiaire. Ainsi, l'Autorité note qu'aucune obligation générale introduite par les autorisations d'utilisation de fréquences telle que les conditions techniques d'utilisation, le calendrier de déploiement, la zone de couverture, les engagements internationaux et les redevances ne peut être levée par la cession. En outre, elle note également qu'aucun droit supplémentaire ne peut être accordé par le biais d'une cession.

Sur le projet d'article R. 20-44-9-4 :

En tant qu'affectataire de dépendances du domaine public, l'Autorité sera particulièrement soucieuse de veiller à ce que les projets de cession de fréquences radioélectriques préservent la concurrence et ne puissent être à l'origine de faits d'entente ou d'abus de domination économique.

Ainsi, l'Autorité estime indispensable d'assurer une cohérence entre la délivrance d'autorisations et la cession d'autorisations entre acteurs, notamment dans la prise en compte de la disponibilité des fréquences.

Dans le cas général tel que décrit par l'article L. 42-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité répond aux demandes et délivre les autorisations au fil de l'eau puisque la disponibilité des fréquences permet de satisfaire à toutes les demandes.

Dans les cas où la rareté des fréquences est avérée, l'Autorité peut, après consultation publique, limiter le nombre d'autorisations sur une bande, conformément à l'article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques. La sélection des titulaires se fait alors sur des critères portant sur les conditions d'utilisations ou sur la réalisation d'objectifs d'intérêt général tels que mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.

L'Autorité souhaite donc souligner que cette situation de rareté ne peut être constatée qu'après l'expression de demandes et conduire en conséquence à l'évolution de cette notion. En effet, une bande de fréquences peut être attribuée au fil de l'eau, atteindre une certaine saturation après quelques années et nécessiter alors le traitement particulier de l'article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques.

Dans ces conditions, l'Autorité prend donc acte avec satisfaction de la transposition compatible avec le paragraphe 4 de l'article 9 de la directive 2002/21 /CE « cadre » susvisée, aux termes duquel les autorités réglementaires nationales veillent à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait de telles transactions.

En effet, l'Autorité note avec satisfaction que les motifs d'opposition de l'Autorité à une cession, tels que l'exercice d'une concurrence effective, doivent pouvoir être invoqués par l'Autorité comme motifs de refus aux demandes de cession lorsque les autorisations cédées portent sur les fréquences dont la bande est en situation de rareté.

Toutefois, l'Autorité recommande une clarification de la rédaction de cet article pour éviter une interprétation trop restrictive de ce motif de refus et pour assurer une cohérence avec le respect des objectifs d'intérêt général tels que mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.



Sur le projet d'article R. 20-44-9-5 :

L'Autorité rappelle que le considérant 19 de la directive 2002/21 /CE « cadre » susvisée indique que « le transfert de radiofréquences peut être un bon moyen de susciter une utilisation plus efficace du spectre, pour autant que des garde-fous suffisants soient mis en place pour protéger l'intérêt public, en particulier la nécessité de garantir la transparence et le contrôle réglementaire de ce type de transferts ».

Ainsi, dans le souci d'assurer pleinement le contrôle d'un transfert de fréquences radioélectriques, l'Autorité note avec satisfaction que ce projet d'article prévoit les conditions dans lesquelles l'Autorité peut assortir son approbation de prescriptions afin d'assurer le respect des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ou la continuité du service public.

Sur le projet d'article R. 20-44-9-6 :

L'Autorité rappelle que le paragraphe 4 de l'article 9 de la directive 2002/21 /CE « cadre » susvisée établit que « les Etats membres veillent à ce que l'intention d'une entreprise de transférer des droits d'utilisation de radiofréquences soit notifiée à l'autorité réglementaire nationale responsable de l'assignation des fréquences et à ce que tout transfert se déroule conformément à des procédures fixées par l'autorité réglementaire nationale et soit rendu public (...) ».

Ainsi, l'Autorité prend acte avec satisfaction de la transposition de cette disposition par le projet d'article R. 20-44-9-6 qui prévoit les procédures d'approbation des projets de cession par l'Autorité et la mise en oeuvre des cessions.

Toutefois, ce projet d'article prévoit que l'Autorité dispose d'un délai de six semaines à compter de la réception de la notification complète pour s'opposer au projet de cession. Il résulte de ce texte que l'absence de réponse de l'Autorité à l'issue de ce délai vaudra approbation. Cette interprétation est confirmée par le rapport au Premier ministre.

L'Autorité s'interroge sur la légalité de cette disposition, qui pourrait porter atteinte aux prérogatives de l'Autorité dans la gestion de ses dépendances domaniales. Au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, 21 mars 2003 SIPPEREC), la protection du domaine public est un impératif d'ordre constitutionnel. Dans ces conditions, le pouvoir réglementaire ne saurait légalement instaurer un régime d'autorisation tacite d'occupation du domaine public.

Ainsi, l'analyse de l'Autorité conduit à penser que, juridiquement, l'absence de réponse de sa part sur le projet de cession vaut décision de rejet. Une clarification de ce point pourrait être apportée.

Enfin, afin de transposer complètement la disposition communautaire susmentionnée, il conviendra de préciser les règles de publicité des autorisations d'utilisation de fréquences qui ont fait l'objet d'une cession, validée par l'Autorité.

Sur le projet d'article R. 20-44-9-8 :

L'Autorité rappelle que l'article L. 42-1 du CPCE dispose que : « L'Autorité de régulation attribue les autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et en tenant compte des besoins d'aménagement du territoire. » Ces termes sont repris du droit communautaire, et notamment par le paragraphe 1 de l'article 9 de la directive 2002/21 /CE « cadre » susvisée. Ils expriment ou prolongent les principes généraux du droit de la concurrence.

Ainsi, une obligation de transparence incombe à l'Autorité dans l'attribution de fréquences radioélectriques, et plus particulièrement lors de leur cession.

Dans ces conditions, l'Autorité souscrit à la mise en place d'un registre des autorisations et des cessions prévue par ce projet d'article . Celui-ci prévoit en effet que l'Autorité met à la disposition du public un registre des autorisations d'utilisation des fréquences dont la cession est autorisée.

En effet, ce registre, assimilé à un cadastre, a pour objectif d'assurer la transparence et la visibilité du marché secondaire pour les acteurs et constitue une condition indispensable de son bon fonctionnement. Le registre donnera un cadre pour une présentation sous forme synthétique d'un ensemble d'informations sur les bandes de fréquences et les autorisations, qui sont déjà largement disponibles et publiques par ailleurs.

L'Autorité propose une modification de la rédaction de cet article afin d'assurer que le registre comprendra l'ensemble des informations nécessaires au bon fonctionnement du marché secondaire.

Au regard de ces observations, l'Autorité émet un avis favorable sur ce projet de décret et propose des modifications rédactionnelles formulées en annexe.

Le présent avis et son annexe seront transmis au ministre délégué à l'industrie.

Fait à Paris, le 19 janvier 2006.



Le président,

P. Champsaur





A N N E X E


PROPOSITIONS DE RÉDACTION PORTANT SUR LE PROJET DE DÉCRET PORTANT APPLICATION DE L'ARTICLE L. 42-3 DU CODE DES POSTES ET DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET RELATIF AUX CESSIONS D'AUTORISATIONS D'UTILISATION DE FRÉQUENCES

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JO no 186 du 12/08/2006 texte numéro 66
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